Utilisez un vrai filtre vert pour vos images

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Parmi les différentes techniques d’acquisition et de traitement qu’on a vu surgir au cours des années, figure l’utilisation d’une image verte « synthétique ». Voici pourquoi une telle image est moins intéressante qu’une vraie. Cette technique est datée et a quasiment disparu du paysage… mais c’est l’occasion de jeter un coup d’oeil dans la mécanique responsable du rendu des couleurs.

Une couche verte synthétique, pourquoi ?

Il y a de nombreuses années, certains photographes ont commencé à créer une image verte synthétisée à partir d’une image rouge et d’une image bleue. Le procédé informatique est simple à mettre en oeuvre : dans n’importe quel logiciel, on additionne la R avec la B et on divise par 2 le résultats. On obtient une image qui est la moyenne des deux, et qui permet de reconstituer une image en couleur – que nous désignerons par le terme « RsVB ».

L’intérêt de cette méthode était évidente : en se passant du filtre vert, il était possible de poser plus longtemps avec les deux filtres R et B, considérés comme les plus importants. A une période où l’outil d’imagerie le plus répandu était une caméra CCD refroidie, qui plus est lente et peu sensible comparée à ce qui se fait aujourd’hui, cette technique pouvait être attractive pour gérer un peu mieux la rotation des planètes.

jupitersynthGA gauche : image de Jupiter en RVB. A droite : en RsVB. les deux images sont vraiment très proches… même si on voit des différences de teinte dans les bandes (plus orange en RsVB). D’où est-ce que ça vient… et est-ce que ça vaut la peine de s’en préoccuper ?

Un autre argument était souvent avancé, notamment pour la planète Mars. Puisqu’il n’y a pas de détail de couleur verte sur Mars (ce qui est peu ou prou exact), ce filtre ne serait pas utile au moins pour cette cible. Evidemment, le rendu des couleurs est quelque chose d’un peu plus complexe…

Pas de vert sur Mars, vraiment ?

Le raisonnement n’est pas exact : effectivement, il n’y a pas de vert sur Mars. Mais tous les détails de Mars réfléchissent du vert ! (sinon, la planète serait invisible avec ce filtre…). Pour chaque détail (de chaque planète…) il y a toujours une composante rouge, une verte, une bleue, et rendre correctement les couleurs implique de respecter leur importance à chacune. Les filtres RVB ne sont pas là pour révéler les détails qui sont de la même couleur qu’eux : ils sont là pour enregistrer l’éclat de chaque détail dans leur bande de transmission.

Et alors, l’image verte synthétique, ça marche ou pas ? En fait ça ne fonctionne pas de façon satisfaisante. La raison est simple : le raisonnement qui dit qu’on peut synthétiser du vert à partir du rouge et du bleu suppose de fait que l’éclat d’un détail donné dans le vert n’est forcément que la moyenne de son éclat dans le rouge et de celui dans le bleu. Or évidemment, il n’y a aucune loi de la nature qui dise que c’est toujours le cas… admettons qu’un détail montre un éclat de marssynthG60 dans le rouge et 40 dans le bleu. Avec une image verte synthétique, son éclat dans le vert sera donc de (60+40)/2 = 50. Or évidemment, le détail en question peut parfaitement avoir un éclat réel dans le vert de 60, 80, 15…. ou 42,3 !

Pour montrer un exemple très parlant j’ai exécuté une comparaison sur une image de Mars prise par le Télescope spatial Hubble  le 1er octobre 1997. L’image RVB révèle une petite tempête de poussière au-dessus de Mare Cimmerium. Il s’agit du nuage de couleur jaune bien visible en haut. L’image RsVB ne montre pas du tout cette teinte jaune, le nuage semble avoir exactement la même couleur que l’ensemble des déserts ocre de la planète… l’explication se trouve dans le paragraphe précédent : l’éclat de cette tempête en vert est plus important que ne le donne la moyenne de son éclat R+éclat B. Le jaune contient en théorie autant de vert que de rouge ! Le nuage n’est pas le seul touché puisque l’ensemble des détails a notablement changé de teinte… image (c) STScl.

On tombe ainsi sur le premier désavantage de l’image synthétique : elle appauvrit la palette des couleurs visible sur une image planétaire.

marssynthGjpo

Ensuite, voici à gauche une même image mais amateur cette fois – prise de vue par Jean-Jacques Poupeau le 22 janvier 2008. Il y a encore un nuage de poussière jaune bien visible en RGB au-dessus d’Utopia (en bas à gauche). Comme pour l’image du HST, la couleur disparaît avec une image verte synthétique.

Et la résolution ?

Le deuxième désavantage est plus subtil à remarquer sur une image amateur. Souvent, la résolution de la composante bleue est la moins bonne. Or, la résolution d’une véritable image verte peut être supérieure à celle de la moyenne du rouge et du bleu, si cette dernière image est vraiment trop en deçà de la rouge. Cet effet peut se voir sur l’image de Jupiter ci-dessus.

De nos jours, avec nos caméras ultra-rapides et au pire, grâce aux techniques de dérotation WinJupos, nous n’avons plus aucune raison de nous passer des avantages d’une vraie couche verte !

Pour aller plus loin, vous pouvez lire cet article de Damian Peach (en anglais)

What color is Mars ?

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