Uranus est une planète encore difficile d’accès pour les amateurs. Si l’imagerie de la planète dans l’infrarouge commence à être maîtrisée, depuis un ou deux ans, la connaissance que nous en avons dans les longueurs d’onde visibles correspondant à l’oeil humain reste faible et controversée. Que disent les images du Télescope Hubble sur le sujet ?
L’imagerie en vraies couleurs (RVB ou LRVB) d’Uranus est un domaine dans lequel les amateurs s’investissent très peu, et les images réussies ne sont pas nombreuses. De leur côté, certains observateurs visuels dessinent régulièrement des bandes. Accessibles au grand public via ses archives, les images du Télescope spatial Hubble peuvent nous fournir des références très intéressantes. Le HST réalise en effet depuis vingt ans des runs réguliers d’imagerie sur Uranus, dans de nombreuses longueurs d’onde, et certains contiennent des photographies prises en lumière visible. J’ai travaillé un ou deux sets récents pour voir ce que l’on y trouve…
Voici quelques images non traitées extraites du run n°12894 (si vous souhaitez aller voir par-vous mêmes les données – pour cela il vaut mieux passer les images fits au prélalable par Fits Liberator, afin d’ajuster les niveaux). Le numéro des filtres correspond au pic de transmission exprimé en nanomètres (nm) comme pour les filtres amateurs. L’image infrarouge F763M correspond parfaitement aux détails visibles sur les images amateurs et celles du Pic du Midi prises en 2012 et 2013. Les filtres F547M et F467M eux correspondent plutôt bien aux filtres vert et bleu amateurs, même si le 467 est nettement plus étroit.
Le problème vient de la sélection du filtre rouge. Les différents filtres utilisés correspondent mal à la bande rouge amateur car ils sont très sélectifs ; or, dans le rouge, on trouve déjà de fortes bandes d’absorption qui vont beaucoup faire varier l’aspect des détails ! Ainsi, si le F631N ne montre que de vagues bandes car il est situé sur une bande de lumière relativement peu absorbée, le F665N révèle une structure en bande presque identique à celle visible en IR, et avec autant de contraste…
Essais de composition RVB
L’absence de couche rouge bien corrélée à un filtre rouge type amateur ne permet pas de produire des images en couleurs qui collent correctement à la vision humaine, mais on peut tenter plusieurs compositions RVB pour essayer de s’en rapprocher. Les images ci-dessous sont assemblées avec WinJupos.
L’image de gauche est faite avec le F631N, qui est le plus proche de la vision humaine. Le système de bande est à peine perceptible, il faut dire que de toutes façons, les deux couches qui ont le plus de poids sont les V et B, les moins pourvues en détail en raison de la très forte diffusion lumineuse qui règne dans ces longueurs d’onde.
Ceci dit, le F631N est peut-être trop étroit. En effet, il est possible d’obtenir, avec un filtre rouge amateur, des détails similaires à ceux visible dans l’IR, quoi qu’avec un contraste fortement réduit – ci contre ma planche du 30 octobre 2012, où l’on voit la bande équatoriale IR avec le R Astronomik, un filtre dont la transmission se termine vers 670/680 nm, soit comme le F665N…
C’est pourquoi j’ai essayé d’inclure l’image avec le F665N en diminuant sa luminosité (elle est sur une bande d’absorption) et en l’additionnant avec le F631N pour tenter d’obtenir une couche rouge qui se rapproche de ce que l’on peut avoir avec le R Astronomik.
Cette fois, on distingue bien un pôle et une bande équatoriale plus lumineuse. La couleur rosée n’est peut-être pas si irréelle que ça: à deux reprises en 2013, mes tentatives d’imagerie RVB sur Uranus montrent une surbrillance rosée sur le pôle nord, issue de la couche rouge.
Les images HST montrent qu’il existe sur Uranus des détails dans le visible avec un contraste raisonnablement accessible aux amateurs, quoiqu’uniquement sur la couche rouge. Par contre, il est sans doute peu intéressant de photographier cette planète en vraies couleurs… l’infrarouge dispose clairement d’un meilleur potentiel.