Plusieurs filtres passant l’infrarouge sont disponibles sur le marché, donnant accès à des longueurs d’onde et des usages différents. Comment s’y retrouver ?
Le filtre IR est, en astronomie, un filtre qui bloque les longueurs d’onde visibles et laisse passer le proche infrarouge, une « bande » de couleur qui débute vers 700 nm (nanomètres) et qui se termine vers 1000 nm (1 micron) quand la plage de sensibilité des caméras se termine. Pour la pertinence de l’article, j’inclue également les filtres rouge qui laissent passer l’infrarouge, appelés « R+IR ». Voici les filtres que je possède. Il en existe d’autres sur le marché mais mon équipement couvre toutes les utilisations possibles :
R+IR | Plage de longueur d’onde |
Baader RG610 | 610-1000 |
Astronomik BP642 | 642-842 |
IR | |
Baader IR685 | 685-1000 |
Astronomik IR742 | 742-1000 |
Astronomik IR807 | 807-1000 |
RG1000 | 1000 |
Ce qu’il faut savoir sur le proche IR en planétaire
- Il permet de calmer la turbulence car il est moins affecté par l’atmosphère terrestre. Autant dire qu’il vous en faut au moins un car cet effet est très sensible !
- Il offre cependant une résolution inférieure à celle de la lumière visible (lire : La longueur d’onde et la résolution).
- Il a un effet de pénétration des atmosphères planétaires et autorise donc la mise en évidence de détails situés à plus faible altitude que ceux accessibles à, par exemple, une caméra couleur.
Ces principes étant posés, voici les éléments qui doivent guider votre choix :
En fonction de l’instrument utilisé
Plus l’instrument sera grand, et plus il sera en mesure de supporter la perte de résolution de l’infrarouge. Sauf utilisation particulière (lire plus bas), en-dessous d’un diamètre de 250/300 mm, il vaut mieux éviter les filtres qui transmettent à partir de 800 nanomètres, car pour un petit télescope la perte de de finesse va être bien visible, comme on peut le voir sur ces deux images de Mars prises avec un Mewlon 210 Takahashi:
Mars, en 2005, avec deux filtres IR que je ne possède plus aujourd’hui, mais dont les équivalents sont les Baader IR 685 et l’Astronomik 807. L’image prise avec l’IR780 est moins fine que celle obtenue avec le 700 nm.
En fonction des conditions
Le fait de posséder plusieurs filtres IR permet d’ajuster avec finesse la gestion de la turbulence, lorsque celle-ci est assez forte, car la turbulence est de plus en plus faible à mesure qu’on s’enfonce dans les longueurs d’onde. L’été dernier sur Saturne lors de soirées médiocres, il m’est ainsi arrivé de passer l’ensemble de mes filtres IR et R+IR avec une bande passante croissante, jusqu’à ce que je tombe sur celui qui me permettait de faire la mise au point ! De ce point de vue, à partir d’un diamètre de 250 mm il sera utile de posséder un deuxième filtre IR, comme un des deux Astronomik, ou le ZWO 850 (que je n’ai pas).
En fonction de chaque planète
Toutes les planètes ne réagissent pas de la même façon aux filtres IR et il faut savoir lequel est le plus intéressant pour chacune.
Pour Jupiter
Sur Jupiter, on préfèrera un filtre IR autour de 700 nm. Le Baader 685 et l’Astronomik 742, à partir de 300 mm, seront parfaits pour mettre en évidence les toutes petites structures de son atmosphère, car ces filtres éliminent des niveaux supérieurs de gaz plus ténus qui diminuent le contraste. Un filtre R+IR donnera également d’excellents résultats, avec un contraste plus faible, mais une meilleure résolution.
Jupiter avec le Baader RG610 (R+IR) et l’Astronomik 742 (IR) avec un télescope de 250 mm. Le contraste est plus dur en IR, mais la résolution un peu meilleure en R+IR.
Pour Saturne
Saturne est une cible plus particulière. L’effet de pénétration atmosphérique joue comme pour Jupiter, mais les détails visibles sont beaucoup plus petits et moins contrastés. On donnera une priorité aux filtres R+IR, qui assureront une meilleure résolution, mais si on utilise un instrument de diamètre important (au moins 300 mm) on pourra profiter de la moindre turbulence offerte par les filtres IR autour de 700/750 nm.
Cliquez ici pour l’image en pleine résolution
Ci-dessus Saturne avec les Astronomik BP642 et IR807, et le Baader 685. L’image est plus fine en R+IR, le contraste augmente dans l’IR, toutefois les détails varient plus que sur Jupiter. Images faites avec un T305.
Pour Mars
Sur Mars, avec un filtre IR on ne voit plus que la surface sans son atmosphère (sauf si tempête de poussière). Les détails ne changent pas en fonction du filtre. On n’a donc pas intérêt à utiliser de filtres IR trop profonds (sauf si grosse turbulence), car la perte de résolution se fait vite sentir sur une cible qui la plupart du temps présente un diamètre apparent très modeste. (voir l’illustration plus haut)
Pour Uranus et Neptune
Des cibles minuscules et très peu lumineuses, Uranus et Neptune profiteront beaucoup d’un filtre R+IR plutôt qu’un IR « pur » afin de conserver le maximum de lumière et de résolution. Les utilisateurs de télescopes de grand diamètre (au moins 300/350 mm) pourront cependant tenter de profiter de ces derniers filtres qui offriront un contraste plus élevé sur les quelques détails visibles.
Ci-dessous Uranus et Neptune avec un R+IR, l’Astronomik BP642.
Pour Vénus
Vénus est la seule planète qui profite mieux d’un filtre IR profond. Les détails accessibles dans cette bande sont très faiblement contrastés, et seront mieux mis en évidence par un des trois filtres suivants : les Astronomik 742 et 807, ou le ZWO 850. On fera un choix en fonction de diamètre instrumental et du niveau de résolution accessible, qui ira en diminuant.
Série d’images de Vénus avec l’Astronomik IR 807 en août 2012, montrant de faibles bandes nuageuses sombres.
C’est également sur cette seule planète qu’on pourra faire un usage profitable d’un filtre IR à micron, pour réaliser des images du signal thermique de sa surface !
Pour aller plus loin, Astronomie planétaire contient un chapitre entier de près de 20 pages dédiées à une description en profondeur des filtres planétaires !