Afin de mettre en évidence des détails sur Uranus, les amateurs utilisent depuis quelques années plusieurs filtres rouge et/ou infrarouge. La spectroscopie peut nous éclairer sur les effets réels de ces différents filtres…
Les filtres utilisés pour photographier les bandes d’Uranus, ou bien la région polaire brillante comme en ce moment, sont surtout les Baader RG610 et IR685. De mon côté j’ai également utilisé l’Astronomik BP642, qui est un R+IR juste un peu plus profond que le RG610. Pour en savoir plus sur ces filtres, vous pouvez vous reporter à mon article De quel filtre IR avez-vous besoin ?
Pour éclairer le comportement de ces filtres et leur intérêt, je suis parti du spectre d’Uranus que j’ai ensuite multiplié par des filtres synthétiques, dont la transmission a été calculée en divisant un spectre d’une étoile obtenue avec le filtre, par un spectre de l’étoile obtenu sans filtre (ou bien avec un filtre d’ordre de premier niveau).
Contrairement à l’analyse faite dans l’article précédent Spectre complet d’Uranus commenté, le spectre d’Uranus présenté ici n’est pas corrigé de la réponse instrumentale. En effet, pour comprendre le comportement des filtres il faut partir du flux tel qu’il nous arrive, brut, filtré à la fois par notre atmosphère, par le télescope, la caméra. Voici à quoi ce flux ressemble. Pour voir le spectre corrigé et mieux comprendre de quoi il retourne, reportez-vous à l’article cité ci-dessus.
En fonction de la caméra que vous utilisez, mais aussi en fonction de votre latitude (dans l’hémisphère sud, la transmission dans le bleu sera plus faible car la planète est plus basse dans le ciel), le résultat exact peut varier mais il sera toujours similaire.
On voit que la planète retourne un flux bleu-vert important, mais que la partie rouge et infrarouge, déjà naturellement très absorbée, est encore plus écrasée du seul fait de la réponse de la caméra, qui diminue dans l’infrarouge (l’intensité respective des deux courbes est relative, c’est pour illustration). On comprend que faire des images d’Uranus dans l’infrarouge n’offrira qu’une faible quantité de lumière. C’est pourtant là qu’on voit le plus de détails ! En effet, la faible quantité de lumière est contrebalancée par un fort effet de contraste apportée par l’absorption de la lumière par le méthane. C’est cela que les transmissions ci-dessous permettent de bien mettre en évidence.
Voici les transmissions des filtres les plus utilisés sur Uranus. Je les ai laissées à la même échelle, pour bien se rendre compte du rapport de transmission lumineuse.
Baader RG610: ce filtre offre la meilleure quantité de lumière, grâce à l’excellente transmission du continnum de réflexion à 640 nanomètres.
Astronomik BP642 : La transmission lumineuse est encore bonne, mais on constate déjà que le continuum de 640 nm n’est plus transmis complètement.
Baader IR685 : ce filtre est le plus communément utilisé. La quantité de lumière transmise chute car la seule source de lumière sont deux petits continuums à 670 et 750 nm. Mais en échange on a une augmentation du contraste grâce à la présence de la forte absorption notamment par le méthane (voir plus bas)
Enfin j’ajoute la transmission qui serait obtenue avec l’Astronomik IR742. On voit que cet excellent filtre par ailleurs ne transmet plus une quantité de lumière raisonnable sur cette planète (dommage car le contraste doit être encore plus élevé)
Pour plus de détails, voici un zoom sur les spectres des principaux filtres utilisés avec l’identification des bandes du méthane. Le Baader RG610 est le seul à transmettre, très partiellement, la bande à 619 nm, et l’Astronomik BP642 ne transmet pas la bande à 890 (mais ça ne change pas grand chose !)