L’astronomie planétaire ce n’est pas seulement de la science ou des techniques d’imagerie. Il y a des gens engagés dans cette discipline et qui ont tous un profil différent ! Je lance un nouveau type d’articles sur le blog avec une interview de l’observateur grec Manos Kardasis…
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Salut Manos, peux-tu nous dire quelques mots sur toi, sur la nature de tes activités en astronomie ?
Je suis né et j’ai grandi à Athènes, où je vis toujours avec ma femme et nos deux enfants. Je suis ingénieur en électronique. Ma plus grande passion est l’astronomie ! Quand j’étais un petit garçon la vue du ciel nocturne me captivait, et me donnait envie d’étudier l’inconnu. J’ai eu mon premier télescope il y a 15 ans et j’ai commencé en observant tous les objets du ciel, mais mes premières observations sérieuses je les ai faites sur les étoiles variables.
Petit à petit, les planètes, les comètes et les météores, en d’autres mots l’Univers proche, m’ont fasciné de plus en plus parce que je parvenais à observer et explorer leurs changements rapides depuis chez moi. J’ai fait des milliers d’observations planétaires, et beaucoup d’expérimentations de nouvelles techniques d’imagerie et de traitement. De plus, je contribue à de nombreux évènements pour promouvoir l’astronomie envers le grand public.
En 2003, avec des camarades observateurs nous avons crée la Hellenic Amateur Astronomy Association (HAAA). Un des buts principaux de l’HAAA est de diffuser l’état d’esprit et les méthodes de l’observation astronomique amateur dans la communauté grecque. Je suis membre du bureau de l’association depuis ce temps et j’en ai également été président d’avril 2010 à avril 2012. Enfin, j’ai étendu mes activités au-delà des frontières grecques pour prendre part à des équipes astronomiques internationales qui coopèrent grâce au web et les réseaux sociaux comme Facebook.
J’essaye d’observer en permanence, de collaborer avec les amateurs et les professionnels, et de partager la beauté de l’astronomie avec le public. Je crois sincèrement que la poursuite d’un programme continu d’observations par des gens et des clubs bien organisés devrait être le paradigme de chaque société.
C’est vrai que tu es très engagé de cette façon en astronomie planétaire. A un tel point que tu as été nominé pour un prix spécial l’an passé…
L’année dernière j’ai été nominé pour le Europlanet prize of 2013 par l’astronome professionnelle Padma Yanamandra-Fischer, et soutenu par les astronomes E. Chatzichristou, A. Christou and J. Rogers. Ca a été un grand honneur pour moi et je les remercie du fond du coeur. Je n’ai pas gagné le prix mais mais le Europlanet Outreach Steering Committee (OSC) a décidé de reconnaître mes efforts avec une mention spéciale du jury :
« L’OSC a été très impressionné par le large spectre d’activités entreprises par Emmanuel Kardasis. Emmanuel Kardasis est l’un des rares astronomes amateurs expérimentés à avoir engagé une collaboration réelle et fructueuse avec les astronomes professionnels. Grâce à lui et à ses camarades observateurs, l’importance des astronomes amateurs pour l’avancée de la connaissance dans le champs des sciences planétaires est à présent reconnue par les astronomes professionnels, mais aussi pour la promotion des merveilles du Système solaire envers le grand public. L’OSC reconnaît qu’Emmanuel Kardasis a été lui-même un astronome amateur très actif et enthousiaste à ce niveau, et que ses efforts ont été auto-financés. »
Je pense qu’il y a plus d’astronomes amateurs passionnés qui méritent une reconnaissance similaire (comme les gens impliqués dans l’équipe BAA/JUPOS.
Un des développements les plus intéressants dans les observations planétaires amateurs récentes est un certain accès à des facilités professionnelles ou semi-professionnelles. Je me souviens qu’en 2012 tu as utilisé le télescope de l’Observatoire de Skinakas, penses-tu y avoir accès encore dans le futur ?
J’ai beaucoup d’intérêts communs en astronomie avec Grigoris Maravelias et il est un quelqu’un que je respecte profondément. Durant ses recherches dans le cadre de son doctorat à Skinakas, il lui restait du temps d’observation et nous avons décidé de l’essayer pour des observations planétaires. On a réussi à adapter l’équipement que j’utilise avec mon télescope et à obtenir des images. Cependant, on n’a pas eu de très bonnes conditions avec le seeing. Ce serait vraiment bien qu’un observatoire professionnel de ce type puisse me donner du temps d’observation pour des résultats fructueux.
J’ai eu le plaisir de te rencontrer à l’EPSC 2013 à Londres en septembre dernier. Peux-tu dire quelques mots au sujet de la conférence que tu as donnée durant la session pro/am ? Tu as approfondi certaines techniques particulières d’observations planétaires…
Ce qu’il y a de plus sympa avec les conférences est que tu peux rencontrer des personnes avec lesquelles tu as des intérêts en commun et avec qui tu peux partager des idées et des opinions. J’ai été très heureux de rencontrer beaucoup de professionnels et d’amateurs que j’admire comme toi. Ma conférence était une synthèse de certaines techniques d’observations que j’ai développées pour observer les planètes alors que le Soleil est encore au-dessus de l’horizon. Cette technique donne des opportunités uniques pour faire des images quand elles sont très proches du Soleil et/ou à l’altitude maximum dans la journée. De plus, avec ces méthodes on peut enregistrer des phénomènes intéressants dans les atmosphères planétaires qui sont visibles durant la journée. Mon article complet peut être lu ici avec les autres articles de coopération pro/am.
As-tu des projets à venir dont tu veux parler ? Des idées particulières ou des conseils à partager ?
Photographier les planètes, leurs satellites et les comètes est mon principal intérêt. J’essaye déjà de suivre ces objets dans plusieurs longueurs d’onde et d’expérimenter de nouvelles techniques, comme celle dont on vient de parler ou bien celle que j’ai également présentée à la session 2012 de l’EPSC sur l’imagerie de détails sur les petits satellites. De plus, je contribue au projet de détections des impacts sur Jupiter organisé par R. Hueso et M. Delcroix et je prévois de le soutenir avec plus d’observations. Des cibles difficiles comme Uranus, Neptune ou Mercure sont dans mes projets mais elles demanderaient un télescope plus puissant que mon C11. J’apprécierais beaucoup si je pouvais me faire financer pour l’achat d’un plus gros télescope.
Je pense qu’il y a une grosse différence entre les astrophotographes d’un côté et les observateurs de l’autre. Je vois souvent de superbes photos par des astrophotographes. C’est vraiment dommage qu’elles ne puissent pas être utilisées par les observateurs planétaires, quand elles manquent des informations minimum comme la date et l’heure de capture. C’est le meilleur conseil que je pourrais donner.
De plus, je voudrais demander aux observateurs de continuer à observer et à expérimenter quelles que soient les conditions s’ils veulent les meilleurs résultats. Je conseille aux débutants de lire avec attention l’excellent guide de M.Salway et les amateurs expérimentés de soutenir le programme de détection des impacts sur Jupiter.
Enfin je voudrais ajouter que quand je regarde l’Univers je sens combien je dois rester humble dans ma vie de tous les jours.
Manos, merci beaucoup pour m’avoir accordé cette interview. Je veux conclure en mettant en valeur un de tes plus beaux résultats qui a récompensé tes efforts d’observateur, quand en 2012, tu as découvert le démarrage de la réanimation de la NTB le 19 avril – l’image est ci-dessous. J’avais écris à l’époque que c’était une belle illustration de ce qu’on pouvait avoir la chance d’obtenir quand on est un observateur assidu mêmes dans des conditions mauvaises !
Lire la note SAF relative à cet évènement : Spectaculaire activité dans l’hémisphère nord de Jupiter (2012/1)
A lire également, le rapport de John Rogers : Report on the NTB outbreak (June 2012.)