Après avoir vu le contexte dans lequel se trouve l’observatoire AstroQueyras, voici quelques-unes de mes observations relevées au cours de mon séjour. Les deux premières nuits (29/30 et 30/31 août 2015) étaient découvertes mais avec un seeing assez médiocre. J’ai noté un phénomène météo particulier que je m’explique assez mal: un vent nocturne persistant du sud-est.
Les conditions météo globales
Lors d’une analyse de situation météo, il y a trois cartes que je regarde en premier lieu : la carte de pression, le vent au sol, et le courant-jet (jetstream) d’altitude. La carte de pression donne une première vision du temps qu’il va faire (anticyclonique ou non), le vent au sol semble un déterminant important du seeing (dans mon site habituel de plaine) et le courant-jet, pour la même raison, dont la direction et la force influencent également la stabilité atmosphérique. Voici la situation lors de la nuit du 29 au 30 août 2015, la situation lors de la nuit suivante était équivalente:
A gauche, la carte de pression (l’étoile bleue indique la position de l’observatoire), au milieu le jetstream, et à droite le vent au sol. Ces données indiquent une situation fortement anticyclonique, avec un courant-jet pratiquement absent, et un vent au sol également nul. De prime abord cela semble très favorable à la stabilité atmosphérique. Pourtant ce n’était pas le cas…
Un vent nocturne inexpliqué
Le temps au moment du coucher du Soleil était très agréable, avec pas de vent et des températures très douces. Mais une fois la nuit installée, un vent persistant de 30 km/h en moyenne a commencé à souffler en provenance du sud-est. Non comptant d’être assez désagréable, il s’engouffrait directement dans les cimiers (les ouvertures des coupoles), provoquant de fortes perturbations des images.
Les cartes météo n’expliquent pas ce vent. Il soufflait de manière relativement continue, sans trop de bourrasques ni d’accalmies. Cette sensation m’a rappelé une nuit d’octobre 2011 passée en bord de mer en Bretagne par temps inhabituellement doux pour la saison : le vent au sol était censé venir de la mer (du sud) et c’est pourtant un vent persistant de terre (du nord) qui soufflait. Ce phénomène était clairement du à une boucle locale de convection que l’on ne peut pas lire sur les cartes ci-dessus: la mer étant plus chaude que la terre durant la nuit à ce moment, il se créait une ascension d’air au-dessus d’elle, et donc un vent de terre, puisque l’air froid au-dessus de cette dernière venait remplacer l’air chaud maritime. Le seeing était atroce !
Il se peut donc que ce vent nocturne était dû au même phénomène. La situation météo depuis quelques jours était caractérisé par la montée de masses d’air très chaudes (15-20° à 850 hPa) en provenance du Maghreb, emmenant des températures inhabituelles à 3000 mètres (largement supérieures à 20° en journée). A l’ouest de l’observatoire, l’adret tourne vers l’ouest et je le soupçonne d’avoir fortement chauffé toute l’après-midi au cours de ces journées, générant après le coucher du Soleil une rapide ascension de l’air chauffé au sol, et donc un fort vent local venant de la direction opposée (la température nocturne extérieur était d’une dizaine de degrés environ).
Des nuages qui coulent dans le fond de la vallée…
Lors des deux journées précédant ces deux nuits, j’ai relevé un phénomène météo particulier qui a cessé ensuite. Coïncidence ou corrélation ? Le versant italien des Alpes est fortement générateur de gros cumulus blancs, que l’on observe très fréquemment à AstroQueyras. Lors de ces deux après-midi, on pouvait observer ces nuages passer par-dessus le col au-dessus de la vallée pour « couler » en direction du fond de cette dernière. La photo ci-dessous (prise le 29 août à 17h30 TU) montre la situation.
Je n’ai pas d’explication concernant cette situation, mais j’ai constaté qu’elle a disparu après le changement de conditions dans la journée du 31 août.
L’arrêt du vent en cours de nuit
Au cours de la deuxième nuit, j’étais en train de tester le nouveau T500 de l’observatoire pour la photographie d’Uranus. A partir de 1h30 du matin, ce fameux vent nocturne a commencé à s’arrêter, et la qualité du seeing s’est progressivement rétablie (sans être encore très bonne). Les températures ont chuté durant la nuit et il a même brièvement gelé peu avant l’aube. Il se peut que le sol autour de l’observatoire ait terminé d’évacuer sa chaleur en milieu de nuit, et l’égalisation des températures entre air et sol a ensuite fait cesser le vent.
A suivre : l’arrivée des bonnes conditions de seeing !